LE BESOIN, UNE CONTREFAÇON DU DÉSIR
Si nous sentons bien qu’il existe une nuance certaine entre le désir et le besoin, nous sommes néanmoins souvent embarrassés quand il s’agit d’approfondir.
Mais encore ?
Nous pouvons également noter que désir et besoin sont tous deux fidèlement accompagnés de l’Attente.
Attente libre et légère pour le désir, mais attente infiniment plus pesante et contraignante quand il s’agit du besoin. Au-delà, règne toujours une sorte de confusion réchauffée par le terreau de notre passivité…
De fait, est-il sain de vouloir éradiquer tout désir, comme le prônaient — entre autres — les stoïciens ?
Dans son ouvrage « Bref Traité du Désenchantement », Nicolas Grimaldi semble singulièrement en douter. Pour ce philosophe et métaphysicien contemporain, « rien qu’une civilisation si malade qu’elle a la vie en horreur avait pu tenter de définir le bonheur comme le fait de n’avoir plus rien à désirer. À supposer qu’il soit possible, le bonheur consiste, tout à l’inverse, à commencer de satisfaire un désir qu’on imagine pouvoir durer toujours. »
La première différence est radicale ; on ne peut pas vivre sans satisfaire ses besoins, tandis que la plupart vivent sans que leurs désirs soient jamais satisfaits. Alors que les besoins ont donc une origine biologique — qui les rend presque communs à tous les êtres vivants — celle des désirs est strictement psychologique, ce qui les rends variables selon la diversité des tempéraments, des caractères et des cultures. Enfin, alors que le propre d’un besoin est que l’on cesse de l’éprouver dès qu’il est satisfait, le propre du désir est qu’il n’est jamais satisfait.
Plus justement, nous devrions dire que le désir n’est jamais « comblé » puisqu’il aspire à s’inscrire dans la durée.
Autrement dit, nous n’avons plus besoin de manger lorsque nous sommes repus, mais nous continuons à désirer être heureux alors même que nous le sommes déjà.
« Le besoin est à la créature ce que le désir est au créateur »
L’essentiel est donc de toujours demeurer vigilant face aux imitations frauduleuses ou cousins nécessiteux du désir, que sont l’envie et le besoin, si l’on veut être créateur de sa vie en retrouvant le goût léger et pétillant du pur désir.
Dans le pur désir, nous redécouvrirons alors des valeurs enfouies et depuis trop longtemps méprisées comme la gratuité (qui danse avec la grâce), la gratitude (qui illumine le moindre instant qui passe), l’émerveillement spontané (qui est le prélude à la joie) et, bien sûr, sa cause première : l’art d’apprécier ce qui est, si étonnant et imprévisible que soit le présent donné, plutôt que sans cesse se lamenter sur ce qui n’est pas et ne sera peut-être jamais.
L’infiniment simple a une saveur d’éternité dont la vie, dans une patience toute maternelle, nous invite chaque jour, chaque heure, chaque minute à goûter tous les bienfaits.
Ainsi, devenons créateurs de notre vie, soyons créateur de notre bonheur et pour commencer interrogeons-nous avec Nicolas Grimaldi : « Au lieu que le présent nous déçoive de si mal ressembler à l’avenir que nous avions imaginé, ne devrions-nous pas nous réjouir plutôt d’y trouver ce que nous n’attendions pas ? ».
Marie de Solemne
© Marie de Solemne
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