MARIE DE SOLEMNE

MARIE DE SOLEMNE

samedi 15 août 2009

UNE SOMBRE HISTOIRE DE LANTERNE



Connaissez-vous l’histoire de la petite lanterne de Confucius ?

Confucius… Vous savez, ce philosophe chinois, qui sévit voilà plus de deux milles ans, à qui l’on attribue aisément toutes les sentences dont on a oublié l’auteur ?

Eh bien, en voilà une qui paraîtrait réellement de lui et que certains connaissent sans doute déjà :


« L’expérience est une lanterne que nous portons accrochée dans le dos et qui n’éclaire que le chemin déjà parcouru. »

Lumineux, non !!

Pourtant, avec un peu d’honnêteté, n’aurions-nous pas envie d’ajouter :

« ET ENCORE… »

En effet, non seulement il est bien connu que, la plupart du temps, notre propre expérience ne nous sert à rien (il n’est qu’à voir combien de fois nous sommes capables de recommencer avec candeur la même stupide erreur !…), mais, comme si cela ne suffisait pas, nous avons un tel entraînement à la mauvaise foi que nous sommes capables de nier avoir vécu telle ou telle expérience, pour peu que nous ne puissions en tirer une quelconque fierté.

Alors, évidemment, s’il n’y a rien à voir et personne pour regarder… Que voulez-vous qu’elle éclaire cette lanterne !?

Cela dit, reconnaissons qu’il existe néanmoins quelques exceptions. Il peut, en effet, nous arriver de concéder avoir eut telle expérience ; seulement, pas à n’importe quel prix !

La condition sine qua non est que cela nous permette de nous valoriser auprès d’autrui, qu’il s’agisse d’amis, de nos enfants, de nouvelles relations, etc.

D’ailleurs, n’est-il pas vrai qu’une de nos petites obsessions est que notre expérience profite aux autres… !

Plus que tout, nous adorons donner des conseils, brandir des interdictions, siffler des menaces, faire miroiter l’échec de l’autre dans la boule en cristal de notre passé, en clair : sabrer toutes ses espérances au nom de notre sacro sainte expérience.

Pour autant, protéger, aimer, sa moitié, ses enfants, ses amis, etc., ce n’est tout de même pas vouloir leur imposer un « truc » qui ne nous a jamais servi à rien ?

Eh bien… Malheureusement, de toute évidence, SI !

Bon, résumons : en précisant que notre expérience n’éclairait donc que notre passé, Confucius était très explicite, mais courtois. Cela voulait tout simplement dire que l’expérience ne sert à rien, même à celui ou celle qui l’a vécu !

Désespérant, non… Surtout que, la plupart du temps, ce que l’on nomme « expérience » fut une épreuve douloureuse, sinon on l’appelle « réussite »… On ne va pas se priver, tout de même…

Bon, très bien… Dès lors, si notre expérience ne sert à rien et à personne (pas plus aux autres qu’à nous-même), et si, de plus, elle a été traversée dans des conditions lamentables (en termes de valorisation) et éprouvante et qu’on ne peut même pas s’en vanter, alors quoi !

Cela signifie-t-il que nous ne servons à rien, que nos épreuves passées ne sont que des épiphénomènes d’une futilité et d’une insignifiance consternante, genre de sucre d’orge au poivre dont la vie a le secret pour ne pas mortellement s’ennuyer ?

Assez ! Stop au misérabilisme !!

« Lorsque nous avons le nez trop près de la bougie, un peu de recul permet toujours de mieux voir… » (Ce n’est pas de Confucius…)

Allez, reprenons tout sous un autre éclairage …

Certes, notre expérience personnelle n’est pas là pour que nous nous exhaussions au rang de prophète de tous les malheurs avec des : « Je te l’avais bien dit ! » aux parfums toxiques. Certes, notre expérience ne pourra sans doute pas non plus éviter à ceux que l’on aime de s’affaler dans les méchantes ornières boueuses où nous avons rampé — l’autre n’est pas nous !

Seulement, si notre expérience, cette « lanterne » dont nous parle Confucius, n’éclaire peut-être aucun chemin, ni devant ni derrière, ni le mien ni le vôtre, elle fait pourtant de chacun de nous une clarté pour les autres, une épaule éclairée pour les jours de ténèbres.

Et ce n’est déjà pas si mal…

Elle peut nous permettre d’être là en cas de mauvais coup du sort dans la vie de ceux qu’on aime, et d’alors pouvoir comprendre, c’est-à-dire « prendre avec », « prendre avec soi »… Doucement, sans jugement. La simple lueur que nous portons sur l’épaule n’illumine pas le chemin que l’autre devrait prendre, mais signale au moins notre présence à celui qui ne voit plus —qui ne voit plus ce qu’il doit faire et être.

Par la grâce de cette lanterne, alors on se retrouve, on se relie, on se réconcilie, et l’on peut enfin offrir la main qui relève, telle une mère, un père, le fait pour son enfant puis, ensemble, recommencer à marcher… Chacun sa petite lanterne dans le dos qui, ainsi que toute lumière, n’est pas là pour être vu, mais pour donner à voir

Marie de Solemne

© Éd. Dervy

3 commentaires:

  1. « L’expérience est une lanterne que nous portons accrochée dans le dos et qui n’éclaire que le chemin déjà parcouru. »
    Cette sentence attribuée à Confucius peut aussi suggérer que nous avons toujours à apprendre, que ce qui a déjà reçu la lumière de l’expérience faite – c’est dire : la part du chemin déjà parcourue – n’éclaire pas, ou pour le moins, pas entièrement, ce qui peut et doit recevoir la lumière de l’expérience à faire – c’est dire : la part du chemin restant à parcourir.
    Cela peut suggérer que l’élargissement de la conscience peut et doit se poursuivre tout au long du chemin d’une existence humaine, qu’il ne faut pas "s’endormir sur ses lauriers" et mettre le commutateur de la lumière de conscience sur "off" ; que ce que l’on a déjà découvert et éclairé ne permet pas d’affirmer qu’il n’y a plus rien à éclairer.
    Cette sentence paraît ainsi porter en elle sa propre part de contradiction, car ce qui a permis à Confucius d’affirmer que l’expérience passée n’éclaire pas le chemin à venir est la réflexion née de l’expérience du chemin de vie déjà parcouru. Or cette réflexion née de l’expérience passée semble bien se donner comme vraie pour le moment présent mais également pour l’ensemble du chemin à venir, et donc éclairer, en partie, ce chemin à venir.
    Sauf erreur de ma part... ?

    Pascal

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  2. Errata :
    Merci de comprendre : "c’est à dire : ", là où j’ai noté par erreur " c’est dire :"

    Pascal

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  3. Le passé est dans notre dos et la lanterne l'éclaire. Le présent est dans la pénombre et c'est le noir complet pour l'avenir.

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