MARIE DE SOLEMNE

MARIE DE SOLEMNE

vendredi 4 septembre 2009

LE POUVOIR DE L'INCERTITUDE




L’INCERTITUDE, PASSEPORT DE LIBERTÉ


« 
La connaissance progresse en intégrant en elle l'incertitude, non en l'exorcisant.» 


écrit Edgar MORIN, sociologue et philosophe français. 

Quelle lumineuse clairvoyance.

Que l’on soit jeune ou vieux, riche ou pauvre, bien portant ou malade, croyant ou non, et quelles que soient nos origines géographiques et sociales, nous connaissons — presque — tous, ou nous connaîtrons un jour, le trouble singulier de l’Incertitude.

Bien sûr, la Pathologie de d’Incertitude ne frappe pas chacun de la même manière ni sur les mêmes sujets ; par exemple : pour certains l’aléatoire et l’incertain créent une forte inquiétude uniquement dans leur domaine professionnel, quand pour d’autres ce lourd malaise ne s’installera que s’il ébranle leur vie affective.

Mais quoi qu’il en soit, peu d’êtres humains échappent à cette étreinte étouffante, et ce malgré leurs efforts pour prévoir ce que seront leurs lendemains, malgré des agendas remplis pour planifier leur existence avec le moins de risques possibles.

Malgré cela, il est surprenant de constater que dans la littérature en général, le thème de l’Incertitude est rarement abordé de front. Il n’est d’ailleurs pas inutile de préciser que, même dans les dictionnaires philosophiques, le mot «Incertitude» n’est évoqué que dans son contexte scientifique — avec le fameux « Principe d’Incertitude d'Heisenberg ».
 Comme si l’Incertitude n’était une réalité acceptée que dans l’univers des mathématiques et de la physique.

Pourtant, nous le savons pour la vivre quotidiennement, cette Incertitude qui caractérise le futur de nos vies comme le présent de nos existences, n’est pas seulement une équation à poser, mais plus essentiellement un désert à traverser — seul —, une angoisse à apprivoiser pour qu’elle ne dégénère pas en dépression.

Une des principales questions que nous pouvons nous poser est de savoir si cette pathologie de l'Incertitude est un mal moderne, une caractéristique de notre société occidentale libre, ou si — de tout temps — l’Homme dut affronter cette anxiété majeure avec sa seule réflexion personnelle comme outil ?

En réalité, ce qui est indispensable à connaître sont les chemins qu’emprunte l’Incertitude pour devenir une source potentielle de stress et de névroses diverses, et s’il est réellement possible, bien qu'assujettis, aliénés à notre besoin d’assurances, donc de certitudes, d’apprendre à vivre avec l’Incertitude puisque tel semble être le destin de l’Homme.

Il faut le dire, l'écrire et le redire encore, la Liberté de chacun d’entre nous, notre sacro-sainte Liberté, ne pourrait exister sans cette Incertitude que nous redoutons tant.

C’est parce que demain reste — aujourd’hui encore — indéterminé, incertain au point d'en être inexistant, que dans ce vide pourtant redouté, nous avons enfin la possibilité de désirer, de rêver, de créer, de peindre notre futur dans les couleurs que nous voulons, que nous aimons… 
Bref de choisir notre vie au lieu de la subir.  
Ne plus avoir peur du vide, pouvoir exprimer notre créativité, crier nos choix en riant, tels des enfants, de ce bonheur de désirer soi-même pour soi-même face à ce néant qu'est l'Incertitude. 

La source du malheur est que nous pensions que l'Incertitude était quelque chose, alors que voilà… l'Incertitude n'est rien ! Pas le moindre petit atome susceptible d'enrayer notre machine à créer nos désirs pour demain !  Parce que personne, ni dieux, ni Hommes, n'a griffonné notre cahier de futur, alors voilà pourquoi, et seulement grâce à cela que nous pouvons exercer notre Liberté d'être. 

Si notre destin était prédéterminé, pré-écrit, que nous resterait-il pour choisir notre chemin, pour influer sur le cours de notre vie, même et surtout, lorsqu’elle est insatisfaisante ou malheureuse ?

Finalement, n’est-ce pas cette « obligation » d’user de notre Liberté Individuelle, autrement nommé : Libre Arbitre  – liberté de choix, de décision, d’action – pour créer ce qui nous manque, ce que nous désirons être, pour terrasser ce qui nous effraie et parfois même nous paralyse. 

Oui, ne pas choisir la Liberté de créer son destin par crainte de se heurter à l'Incertitude, c'est devenir l'esclave volontaire d'une illusion, au point de préférer les fausses certitudes des autres — ou même un univers sans choix — plutôt qu’affronter le malaise que crée l'Incertitude. Cette même Incertitude qui, de son vide, permet la construction de notre chemin de vie et qui est la garante de notre possible responsabilité, de notre aptitude au bonheur.

La caravane de l’Incertitude traverse bien des déserts avant de rencontrer une oasis… Mais s’asseoir sur le sable en se plaignant de la sécheresse n’est évidement pas la solution à nos tourments. 
L’Incertitude n’est d’ailleurs pas seulement autour de nous, elle est également en nous. 
L’Homme est lui-même un être incertain, fluctuant, versatile.
Apprivoiser l’infiniment trouble, façonner la confiance en soi, comprendre que nous ne pouvons pas tout maîtriser ni tout prévoir, que le risque fait partie intégrante de la vie ; autrement dit, accepter une existence où règne — aussi — l’indéterminé, semble inéluctable.

Apprendre à vivre avec l’Incertitude, sans plus la craindre, pour conserver notre Liberté de penser et d’agir, voilà vraisemblablement le défi que nous, hommes et femmes du troisième millénaire, avons à relever ; des hommes et des femmes à qui l’immense essor de la technologie et de l’industrialisation a fait oublier que, dans le meilleur des cas, nos certitudes ne peuvent être que provisoires et que l’exposition à l'aléatoire appartient à la condition humaine.
 
Marie de Solemne

© Marie de Solemne

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